en memoire de Walo Hutmacher

Par Joël Bonamy

Walo Hutmacher est décédé fin novembre 2020. Le FREREF tient à témoigner ici du rôle qu’il a joué comme président de la Fondation de 1997 à 2008.

C’est Jean-Marie Albertini qui, en février 2008, alors que Walo quittait la présidence, voulut rappeler son arrivée à la FREREF ; puis, en 2011, à l’occasion de la célébration des vingt ans de la création de la FREREF, il fit le bilan des initiatives prises lors de sa présidence et de leur impact sur les nouveaux développements que la FREREF a connus depuis.

Nous nous sommes rencontrés la première fois bien avant la création de la Freref, à la fin des années 80, au Conseil Scientifique de l’INRP où siégeait aussi ton grand ami Gilbert De Landsheere que tu connaissais bien avant moi et qui fonda la FREREF et en assura la présidence. . C’est sous son amicale pression que tu as rejoint la Freref dès 1992 en amenant l’adhésion du Canton de Genève, que tu devins membre du Conseil, puis président (1997) après son décès.

Depuis nous ne nous sommes plus quittés, et en lisant ton CV je me suis aperçu que nous étions très complémentaires. Tu es sociologue patenté et je suis économiste, nous étions complémentaires mais pas pour les raisons que l’on pourrait croire. Lorsque tu devins président alors que j’étais administrateur délégué, j’ai dû par moment te causer des sueurs froides. Tu as eu le grand mérite de donner de la rigueur aux démarches hasardeuses de la FREREF.

Cette rigueur de la pensée et de la démarche, tu l’as développée tout au long d’une carrière scientifique confrontant en permanence la recherche et l’action. Je ne vais pas ici énumérer tous les travaux scientifiques que tu as dirigés ou auxquels tu as participé, ils sont trop nombreux.

Ce qui m’a frappé en lisant ton CV, c’est que parallèlement à ces travaux tu as participé à de nombreuses actions et réalisations ; de 1957 à 1958, tu as été président de l’association générale des Etudiants et cofondateur du journal Action Etudiante. En 1958, tu fus le directeur fondateur du Centre d’accueil des adolescents en difficulté Astural Chevrens. Tu as participé à la création en 1988 de la société Suisse pour la recherche appliquée en matière de formation professionnelle et tu y as participé jusqu’en 1992. Pour l’Unesco, tu as réalisé trois missions concernant la planification de l’Education Rwanda (1963), au Congo-Brazzaville (1965) au Barbados (1969).

Cette volonté d’action, tu l’as développée aussi en participant aux travaux d’évaluation et d’enquête de l’OCDE notamment au groupe « Schooling tomorrow », au groupe INES en tant que représentant de la Suisse dans les travaux portant sur « les indicateurs internationaux des systèmes d’enseignement »  ou encore en tant qu’expert auprès de l’UE où tu es devenu en 2006 expert dans le domaine des sciences sociales, de l’éducation et de la formation.

Ce n’est pas par hasard que tu as accepté de rejoindre dès 1992 la Freref et de succéder à Gilbert De Landsheere comme président, le 21 juin 1997 à Luxembourg.

L’idée de la Freref était née dans les années 1980 lorsque le CNRS qui avait soutenu un réseau européen REREF, que j’animais et auquel participaient De Landsheere et son équipe, me dit que les restrictions de crédits allaient faire diminuer l’appui du CNRS. Autour d’un boc de bière rue d’Ulm, un jour d’été, De Landsheere me dit qu’il fallait créer un réseau non plus avec les Etats Nationaux mais avec les Régions car ce sont elles qui sont ou seront de plus en plus en charge des problèmes d’éducation.

Je l’introduisis auprès de la Région Rhône-Alpes où il convainquit le vice-président Hamelin. De Landsheere de son côté fit jouer ses relations catalanes qui dataient du temps où il était membre des brigades internationales, des Catalans participaient déjà au Reref (Michel Pariset et moi sommes allés voir Arthur Blade qui était à la direction internationale de la recherche du gouvernement Catalan). L’amitié qui unissait durant la guerre d’Espagne à Siguan, grand d’Espagne, président des étudiants anarchistes et marié à une princesse Hohenzollern elle-même présidente des étudiantes anarchistes, fit le reste. La Catalogne et la Région-Alpes convainquirent la Lombardie et le Bade Wurtemberg. Le Luxembourg et le Canton de Genève suivirent, puis les Baléares.

Grâce à l’appui de Domenico Lenarduzzi qui dirigeait la DG 12 de la Commission Européenne, nous pûmes préparer puis organiser, en 1996, à Barcelone une Euroconférence qui lança en grande pompe la Freref. »

Au départ, la FREREF avait pour but de faire admettre la nécessité pour les Régions de développer des recherches en éducation et formation pour accompagner le développement de leur nouvelles compétences. Parallèlement elle visait à ouvrir de nouveaux champs d’investigation aux chercheurs et de donner des possibilités accrues  de participation aux projets européens. Les actions visaient à créer des occasions de rencontres entre des responsables régionaux, des chercheurs et des acteurs sociaux économiques. Des liens se nouèrent et prospérèrent entre des chercheurs et des responsables régionaux mais la manière nous avions alors pensé la Freref n’était pas entièrement satisfaisante, il était vite apparu que vouloir financer ou lancer des recherches et étaient surtout  très difficiles.

Mais tu compris que cela ne suffisait pas et tu préconisas la création de réseaux de chercheurs pris en charge par des Régions membres. Un comité fut créé sous ton égide, qui proposa un nouveau mode de fonctionnement, les actions et les recherches ne devaient plus être activé par la FREREF mais par des réseaux de chercheurs de chaque Région participants. »

En 2003, l’équipe de la FREREF à Lyon prend à bras le corps la promotion de l’Apprendre tout au long de la vie. Une nouvelle dynamique se met en place, bouscule le schéma de réseaux de chercheurs académiques et ouvre le champ au « triptyque » décideurs – chercheurs – praticiens. Ce fut le lancement des Universités d’été de la recherche et l’innovation pour l’apprendre tout au long de la vie qui permit la création d’une véritable plate-forme d’échange inter régionale et le lancement du projet Régio-LLL. Lors de la première Université d’été, tu déclaras :

« La promotion de Apprendre tout au long de la vie constitue l’une des stratégies majeures des sociétés européennes face aux défis extrêmement complexes de marché du travail et de cohésion sociale que leur posent la vitesse, l’ampleur et la profondeur des mutations économiques, démographiques et sociales en cours. Cette stratégie entraînera avec elle une redéfinition du statut de l’individu et de son parcours de vie, de même que des institutions d’éducation et de formation léguées par l’histoire. … En s’appuyant sur les apports de la recherche et sur l’expérience des Régions participantes, l’Université d’été sera l’occasion d’identifier les jeux et les enjeux institutionnels dans ce domaine, d’examiner et de comparer les tensions, les conflits ou les résistances, variables sans doute selon les pays et les régions et selon les domaines professionnels. »

Peu à peu, d’un réseau de chercheurs tentant et recherchant l’appui de Régions pour développer les recherches en éducation et formation, la FREREF est ainsi passée à un réseau de Régions mobilisant des ressources de la recherche et des acteurs économiques et sociaux dans leur stratégie concernant l’apprendre tout au long de la vie.

Cette évolution est le signe de la réussite des objectifs initiaux de la FREREF mais elle exigea une nouvelle organisation et de nouveaux modes de fonctionnement, qui furent mis en place sous la Présidence de Jean Vanoye dès 2008, puis celle de Christiane Demontès depuis 2014. »

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